Macron ou l’art de la banalisation des scandales. Ceux-ci sont si nombreux qu’on les aurait presque oubliés, l’affaire McKinsey à elle seule est bien plus grave que l’affaire Pénélope Fillon ayant condamné les chances de victoire du candidat républicain en 2017. Cette affaire n’est pourtant qu’une goutte dans le bilan révoltant de Macron. La cote de popularité du président sortant est restée intacte, de quoi laisser perplexe. Macron a réalisé la prouesse de normaliser la corruption, la destruction du climat, la violence policière et institutionnelle (bien aidé par les intérêts bourgeois de la bulle politico-médiatique cela dit). Comme si nous étions condamnés à vivre toutes ces dégradations du social et du vivant, comme si les scandales étaient le propre de tout.e homme ou femme politique, comme si le destin de l’humanité était de subir toutes ces crises et que le gouvernement n’y avait aucun responsabilité, comme s’il n’existait pas d’alternative au système néolibéral et ses inégalités. Macron se positionne constamment en victime des scandales et des crises, comme si elles étaient extérieures à sa responsabilité : “je ne savais pas”, “on ne pouvait pas faire autrement”, vraiment ? 

Un bilan climaticide

Deux fois accusé d’inaction climatique en justice, Emmanuel Macron promettait pourtant de grandes mesures en matière d’écologie, il se déclarait même être un leader mondial dans les discours. Son bilan est une nouvelle preuve de l’incompatibilité entre d’un côté le néolibéralisme, les cadeaux faits aux plus riches et l’Europe de l’austérité  ; et la justice sociale et écologique de l’autre. Entre mensonges et inaction, préparez-vous -avec Macron ou Le Pen- à un nouveau quinquennat climaticide alors même que les scientifiques alertent de l’urgence d’agir dès maintenant pour éviter la catastrophe en 2030.

Greenpeace liste pour nous les actions climaticides du gouvernement Macron : 

  • Des milliards d’euros “d’argent magique” distribués aux secteurs polluant de l’aviation et de l’automobile, rien ou presque pour les transports propres tels que le train et le vélo.
  • Sur le glyphosate, dont l’interdiction était promise, rien à signaler. Pire, les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles et plus généralement de la biodiversité, ont été réintroduits sous la pression des lobbies.
  • Alors qu’il faudrait une réduction drastique de nos émissions de carbone, le bilan de la macronie ce n’est ni une légère baisse, ni un maintien, mais une augmentation du volume annuel de CO2 émis.
  • Le CETA, accord de libre échange entre la France et le Canada, a été voté et fortement soutenu par notre président. Cet accord a pour effet très concret d’augmenter les émissions de gaz à effet de serre : un cadeau fait aux multinationales typiquement climaticide.
  • La France n’est toujours pas sortie du charbon comme promis et continue ses projets d’hydrocarbures.

De plus, on garde évidemment en mémoire l’échec, pour ne pas dire la mauvaise volonté du président, de la Convention Citoyenne pour le Climat. La quasi majorité des propositions citoyennes ont été rejetées. Macron a donc lancé un processus démocratique inédit pour ensuite nous prouver qu’il n’aime pas la démocratie ?

La leçon à en tirer est limpide : les intérêts des multinationales et de la bourgeoisie capitaliste ne seront jamais en accord avec la résolution de la crise écologique, puisque le système repose sur l’extraction et la marchandisation à l’infini de ressources finies.  

Affaire Benalla, crise des gilets jaunes et violences policieres

L’affaire Benalla non plus n’était rien, en comparaison avec les violences policières répressives qui s’en suivirent, notamment contre les Gilets Jaunes. Mais cette affaire, intervenue très tôt dans le quinquennat d’Emmanuel Macron, ne fut qu’un révélateur de la violence qu’allait subir la population française par l’intermédiaire des forces de l’ordre. 

Rappelons qu’Alexandre Benalla, alors qu’il travaillait dans les services de sécurité d’Emmanuel Macron, est accusé d’avoir usurpé la fonction de policier et d’avoir violenté un couple de personnes. Remarquons une première hypocrisie : ce qui choque le plus et amène à une condamnation, c’est d’abord l’usurpation de la fonction de policier. Cela sous-entend qu’un policier est autorisé à commettre des violences. En effet, si Benalla avait été effectivement un agent de police, les maltraitances seraient passées inaperçues : une violence policière comme une autre. Cela se vérifie lorsque les médias, la justice, la police elle-même ou des acteurs politiques nient ou minimisent l’existence des violences policières malgré les nombreuses preuves vidéos et témoignages de victimes.

La crise des gilets jaunes a été d’une répression inouïe. Ce mouvement révélant un extrême mécontentement de la population envers le gouvernement, aurait dû suffire à renverser le pouvoir, soit par le peuple soit par l’Assemblée Nationale (motion de censure). Mais les deux ont échoué, illustrant l’échec de notre démocratie. En effet, un gouvernement peut générer le plus grand mouvement de contestation depuis des décennies tout en se maintenant au pouvoir ; le tout par simple résistance, par la dissuasion de la répression des forces de l’ordre et par la rhétorique (pour ne pas dire propagande médiatique) consistant à rejeter la responsabilité de la violence sur les manifestants. Le bilan de la répression est de 2500 blessés du côté des manifestants selon Amnesty International, alors que les droits de l’Homme reconnaissent la liberté d’expression et de manifestation. Droits bafoués sans scrupule par Emmanuel Macron, responsable de l’escalade de la violence dans la crise des Gilets Jaunes. 

Quinquennat de casse sociale

Le clivage gauche-droite a d’incorrect qu’il place les extrêmes sur une échelle de valeurs incomparables. Il est entendu que l’extrême gauche s’inscrit dans une rupture avec un système néolibéral, alors que l’extrême droite se situe dans un extrême conservatisme. Cela n’empêche pas Roussel ou Montebourg de flirter avec les idées patriotes, Le Pen avec le socialisme (démagogiquement) ou encore Zemmour avec le néolibéralisme.

Le clivage gauche-droite a d’incorrect qu’il place Emmanuel Macron au centre alors qu’il se situe dans un extrême libéralisme économique, à l’opposée donc des idées d’extrême gauche. On ne fait pas pire qu’Emmanuel Macron dans la casse sociale au détriment des plus pauvres et au profit des plus riches. De même, la “gauche” traditionnelle est plus éloignée de la gauche extrême ou radicale qu’on ne le pense : la social-démocratie est réticente au bouleversement systémique et s’engouffre dans une impasse en se confrontant à la contradiction de vouloir concilier socialisme et libéralisme économique. 

La vision néolibérale de Macron se ressent dans tous les secteurs et catégories de la population n’appartenant pas à la bourgeoisie. Médiapart dresse le bilan : la baisse du chômage est une fausse réussite (un habillage cachant une augmentation de la précarité et les salaires qui n’augmentent pas malgré l’inflation), une baisse des impôts pour les plus riches, une politique de privatisation et de désindustrialisation. Le code du travail a lui été remodelé en faveur du patronat : économies réalisées sur l’assurance chômage, les APL ou possibilité de modifier les salaires à la baisse, entre autres.

L’extrême pauvreté ne semble pas déranger le président : le nombre de sans-abris n’a pas diminué, on compte 4 millions de personnes mal-logées, 12 millions en situation de précarité énergétique et 9 millions vivant sous le seuil de pauvreté en 2019.

Dans l’enseignement supérieur, c’est la concurrence et la sélectivité qui règnent (réforme de Parcousup notamment), comme pour mieux préparer les jeunes à une société de compétition : “marche ou crève”, il ne faudrait surtout pas les former à la solidarité et à la collaboration. Et puis ne parlons pas de la chasse aux “islamogauchistes” ou de la censure des médias d’extrême-gauche tel que “Nantes Révoltée”,  Macron s’aventurant sur le terrain de l’extrême droite complotiste et de la répression des idées de gauche, c’est-à-dire la base de la diffusion des idées de contestation du système (la presse et l’université).

Casse de l’hôpital public 

Macron, ses prédécesseurs, et plus généralement la vision néolibérale qui déshumanise et marchandise tous les secteurs jusqu’aux plus précieux telle que la santé, ont fini par provoquer la colère du personnel soignant : manque de moyens matériels et humains, bas salaires, épuisement, surcharge et mauvaises conditions de travail. L’urgence du Covid-19 n’a même pas eu pour effet de remettre en cause la casse du service public et des hôpitaux en France. En 2020, année du début de la pandémie, 5000 lits ont été fermés… Dans de telles circonstances, cela devrait suffire à accuser le gouvernement d’une gestion irresponsable de la crise sanitaire. Mais Macron s’en sort toujours avec des solutions circonstancielles et technologiques, sans jamais s’intéresser aux causes profondes des crises : primauté de l’économie sur les intérêts humains, zoonoses, dégradation du système de santé et de l’hôpital public. Il n’existe pas de solution miracle, pas même un vaccin dès lors que les pays riches s’accaparent toutes les doses jusqu’à l’excès et le gaspillage de doses périmées, laissant des variants se développer dans les pays pauvres délaissés. Quand le président “emmerde les non vaccinés”, c’est une perte de sang froid qui révèle une gestion superficielle et autoritaire de la crise.  

Escalade de l’autoritarisme et de l’islamophobie

Déjà mentionné précédemment à travers la répression des gilets jaunes, le quinquennat Macron est une escalade de l’autoritarisme camouflée derrière des crises. C’est à se demander même si nous n’avons pas à faire à une politique d’extrême-droite. Si Le Pen arrive au pouvoir, Macron aura été son marchepied et aura conditionné les bases (im)morales et institutionnelles du fascisme : loi séparatisme anti-musulmans, évacuation de campements de migrants sans proposition de logements, projet de loi -non abouti-  d’interdiction du port du voile dans les enceintes sportives, loi sécurité globale de surveillance des individus, mise en place du pass-vaccinal portant atteinte aux libertés individuelles, répression des mouvements sociaux, renforcement des moyens humains et financiers de la police,… La crise économique disparaît magiquement quand il s’agit de défendre l’État des contestations sociales. Apparemment, il vaut mieux investir dans l’autoritarisme que dans la santé des Français… 

Le terrain a été bien préparé pour le RN qui peut désormais s’inscrire dans la continuité et non dans la rupture du quinquennat Macron. Le président-candidat serait tout aussi responsable de l’élection de Marine Le Pen : en reculant autant sur la justice sociale et en méprisant “ceux qui ne sont rien”, il réussit l’exploit de faire apparaître l’extrême-droite comme plus socialiste que lui. Soyons réalistes, que cela nous plaise ou non, que l’on soit conscient ou non du socialisme en trompe l’œil du RN ; en cas de deuxième tour Macron-Le Pen, le premier sera le candidat du camp de la bourgeoisie, la seconde des classes populaires. Le néolibéralisme a rebattu les cartes du clivage gauche-droite et a permis au fascisme -avec du socialisme washing- de paraître acceptable en comparaison avec le camps le plus extrême en termes d’injustices sociales : le néolibéralisme.

Financement de guerres et livraison d’armes

Nous n’allons pas insister sur cette partie que nous avons déjà développée dans l’article “Guerre en Ukraine : festival d’hypocrisie des dominants” qui révèle les ventes d’armes et les liens étroits de la France avec des dictatures tels que l’Arabie Saoudite, l’Egypte ou les Emirats Arabes Unis. L’ONG d’investigation Disclose nous informe également des ventes d’armes de la France pour la Russie entre 2015 et 2020, par les gouvernements de François Hollande puis d’Emmanuel Macron. Des armes pouvant alimenter de facto l’agression de l’Ukraine par Poutine. De quoi nous interroger sur des intérêts capitalistes encore et toujours au détriment des peuples. De quoi encore une fois faire scandale et porter atteinte à la légitimité d’Emmanuel Macron à se représenter. Mais encore une fois, l’affaire est noyée dans un océan de crises, d’affaires et de décisions politiques discutables. Tout va bien… Macron sauve encore les apparences et normalise ses travers dans le mythe d’une responsabilité sans cesse extérieure.

Féminisme washing

Macron écologiste, Macron féministe, Macron socialiste ? C’était déjà difficile à croire en 2017, son bilan en fait le président de l’inaction, du mépris et de l’hypocrisie. Les mesures sont une nouvelle fois restées de l’ordre du superficiel, sans action concrète traitant le fond des problèmes. Le nombre annuel de féminicides et d’agressions sexuelles est resté intact, les agressions LGBTphobes ont même augmenté, alors que le mauvais accueil des violences faites aux femmes et LGBT+ dans les commissariats ont régulièrement été dénoncés selon Mediapart.

Puis, la nomination de Gérald Darmanin en tant que ministre, alors qu’il est visé par une enquête pour viol et harcèlement sexuel, est un symbole du désinteret que Macron porte au féminisme : “la grande cause du quinquennat” disait-il. Au final, pas d’investissement ni de volonté politique féministe, et ce sont les organisations féministes qui le disent. Macron est à classer dans le rang du féminisme washing. On pourrait généraliser ce procédé pour l’écologie, la pratique démocratique, la paix, les intérêts des classes populaires et des minorités sociales, etc. Macron est le président de la com’, il se félicite d’agir en faveur de toutes les grandes causes sociales et humanitaires malgré un bilan d’inaction incontestable.

Affaire McKinsey

Et puis, il y a l’affaire McKinsey avec des révélations qui tombent pourtant à pic : juste avant les élections présidentielles. Mais les remous politico-médiatiques restent de l’ordre de la petite affaire, alors que les conséquences sont terribles d’un point de vue éthique, démocratique, économique et social. L’affaire Pénélope Fillon, l’affaire De Rugy des homards, et bien d’autres, ont eu un impact négatif sur la popularité des personnages politiques incriminés. Or l’affaire McKinsey est bien plus grave, puisqu’elle touche à l’ensemble de nos fonctionnements démocratique et de nos décisions politiques. Nous avons tout simplement élu un président qui prend des décisions importantes à l’aide de cabinets de conseils onéreux, sur des questions cruciales du quotidien et de la santé des français (4 millions d’euros pour accélérer administrativement la baisse des APL ou encore 12 millions d’euros de conseils pendant le crise sanitaire), le tout payé par le contribuable, McKinsey ne paye pas d’impôts en France. L’excellent magazine Frustration résume la situation :

« On se fait donc, en tant que contribuable et citoyen, plumer trois fois au cours de cette affaire : une première fois en payant des millions d’euros à des cabinets de conseil. Une seconde fois quand le principal cabinet dont l’Etat est client pratique l’optimisation fiscale et ne paye aucun impôt en France. Une troisième fois, et pas la moindre, quand l’action de ces cabinets contribuent à détruire petit à petit notre protection sociale et nos services publics : d’abord en réduisant nos prestations, comme dans le cas de nos APL. »

Répressions des gilets jaunes et d’autres mouvements sociaux, féminisme-washing, inaction écologique (donc politique climaticide), violences policieres, montée de l’islamophobie et de l’autoritarisme, dégradation de la démocratie (répression des manifestations, Convention Citoyenne pour le Climat trahi, prise de décisions par des cabinets de conseils, obligation vaccinale, etc.), cadeaux faits aux plus riches par une casse sociale et sanitaire, ventes d’armes dans des pays meurtriers,… S’il ne fallait qu’une seule bonne raison pour dégager Macron, vous aurez l’embarras du choix.

© B. R.

Sources : liens intégrés dans l’article.