Photo : Cabruta08 (Flickr)

Les années 2020 : tournant climaticide et autoritaire

La réélection d’Emmanuel Macron en 2022 marque un tournant climaticide. Pourtant, les signes de l’urgence climatique étaient clairs et connus de tous : des rapports de plus en plus précis et inquiétant de la part du GIEC (consensus scientifique sur les effets du dérèglement climatique), des mouvements sociaux de masse pour alerter les dirigeants politiques des conséquences de l’inaction climatique, ou encore des épisodes de canicules et de perte de rendement agricole déjà de plus en plus marqués (y compris en Europe).

En 2020, une première pandémie mondiale (Covid-19) directement liée aux conséquences de l’activité humaine, est survenue. Mais le lien avec la crise écologique est rarement mis en avant, il semble accepté que la crise sanitaire est due à un événement extérieur inattendu. Le gouvernement Macron prétend avoir réagi comme il le pouvait ; le modèle néo-libéral, la domination de l’Homme sur la nature, la concentration immense et dangereuse d’animaux d’élevage dans de petits espaces, ne sont jamais remis en cause, malgré les alertes d’experts scientifiques sur le danger des zoonoses. On aurait dû comprendre, à ce moment-là -et même avant-, que le déclin de la biodiversité accélérait déjà l’émergence de virus dangereux pour les populations humaines. L’incapacité des dirigeants politiques à saisir les relations entre dégradation de l’environnement et mise en danger de la santé publique, continuera de mettre en péril notre survie. 

Entre 2030 et 2050, nous ne comptons plus le nombre d’épidémies meurtrières, dont la cause humaine ne fait plus de doute. Les épisodes de pandémie mondiale devenus trop fréquents, en plus d’une baisse drastique de la production alimentaire, de la raréfaction des sources d’eau potable et des événements climatiques extrêmes ; ont finalement conduit nos politiques à sortir du modèle productiviste au milieu des années 2030. Mais cela fut trop tard, alors que nous nous rapprochons dangereusement des +2 degrés de réchauffement climatique et que les années 2020 constituaient la dernière fenêtre de temps pour éviter les conséquences les plus graves. L’impact sur nos vies actuelles est direct, les événements climatiques nous dépassent et notre adaptation est bien plus difficile que dans un monde à +1,5 degrés. 

Sachez qu’en 2020, les épisodes d’incendies étaient peu fréquents et maîtrisables, nous pouvions manger tous types de produits, de viandes et de fromages, nous déplacer en avion pour quelques euros, on considérait les étés à 40 degrés comme extrêmement chauds. La France d’aujourd’hui n’est plus la même. Nous étions autrefois reconnus pour notre bon vin et notre bon fromage, ces secteurs sont aujourd’hui en crise. Les étés sont insupportables, les personnes âgées redoutent chaque année les mois de juillet et d’août. On craint chaque été des vagues de chaleur à plus de 50 degrés, des incendies, des immersions marines. Les événements climatiques extrêmes sont trop fréquents et imprévisibles. Nous sommes débordés. Et si je vous disais que des choix politiques responsables dans les années 2010 et 2020 auraient pu -en grande partie- éviter l’occurrence et donc les dégâts de ces événements climatiques, que nous aurions pu éradiquer la pauvreté -au moins dans les pays développés-, que nous aurions pu nourrir la planète entière, que nous aurions pu vivre tranquillement, sans l’anxiété de perdre notre habitat du jour au lendemain, sans l’anxiété de finir le mois avec le frigo vide, sans l’anxiété de passer un été suffocant. Tout cela, par simple volonté politique, dans une période d’or de l’humanité ; dans laquelle nous avions à la fois assez de techniques, de connaissances, de productivité et une planète encore vivable, pour que l’ensemble de l’humanité puisse vivre décemment. Cette opportunité n’a jamais vu le jour, à cause de l’insatiable appétit des riches et l’entêtement du maintien des logiques productivistes et capitalistes. 

Le gouvernement Macron n’est bien sûr pas seul responsable des politiques de destruction de l’environnement, mais il est le symbole d’une succession de choix politiques criminels. Il est cependant responsable d’avoir accéléré les logiques néolibérales de surconsommation -en particulier des plus riches- dans une période où la pression climatique était au plus fort. Macron est le symbole du président ayant récupéré les discours écologiques de façade pour prétendre être l’homme de la situation face à l’extrême droite. Le tout en menant les politiques les plus dévastatrices du climat et du social de l’histoire de la Vème République. 

Nos historiens révèlent que la responsabilité humaine date de bien plus longtemps, dès 1972 le rapport Meadows alertait sur les limites de la croissance. Mais les signes d’alerte des années 2010-2020 étaient bien plus importants ; le consensus de l’opinion publique et des scientifiques sur l’urgence climatique revêt une responsabilité encore plus grande sur les derniers responsables politiques à avoir pu limiter le réchauffement climatique en dessous des +1,5 degrés. Nous sommes aujourd’hui à +1,9 degrés et nous regrettons déjà le monde d’avant. En plus des pénuries alimentaires et des crises sanitaires à répétition, la crise climatique n’a fait qu’exacerber les inégalités et les conflits, devenus plus nombreux à travers le monde en même temps que la raréfaction des matières premières et des ressources alimentaires de base. 

L’Histoire nous explique aujourd’hui que la richesse du système néolibéral était permise par des systèmes de domination, dont celle de l’Homme sur la nature, les dominants pour rester dominants et même accroître leur domination sur le reste de la société, devaient maintenir ce système le plus longtemps possible malgré sa non durabilité et ses inégalités. Et pour faire face à la pression populaire, les dominants n’avaient qu’une seule solution : le greenwahing. On “répondait” alors au défi du changement climatique avec des mesures et technologies vertes mais peu utiles voire contre-productives, mais dont on donnait l’impression d’être des solutions écologiques. 

Le très sérieux rapport du GIEC de 2022, ne faisait pas que se projeter dans des sociétés futures victimes de la crise climatique, mais insistait aussi sur l’interdépendance des écosystèmes et surtout sur l’importance du système et de l’action politique. L’activité humaine était donc la cause première de la crise climatique, ce qui n’avait jamais fait autant consensus dans la communauté scientifique.

Cela contraste avec la politique de Macron, pour qui toutes les crises, nombreuses depuis son arrivée au pouvoir, étaient toujours extérieures à la responsabilité politique, elles arrivaient toujours par surprise. Son gouvernement s’efforçait donc de les combattre et s’enorgueillait de bien réagir : il sauvait la population des “violents” Gilets Jaunes, il sauvait des vies grâce à sa politique de vaccination en guerre contre le coronavirus, il sauvait enfin sa patrie des risques de guerre mondiale provoqués par Poutine. Pourtant, Macron et son parti avaient une grande responsabilité dans chacune de ces crises, mais la communication fut parfaitement maîtrisée a l’inverse. C’est ainsi que Macron fut réélu en 2022, en refusant le débat et la contradiction durant la campagne présidentielle, et avec l’appui des médias détenus par les milliardaires. Ceux-ci ne consacraient que 2% du temps d’antenne sur l’écologie, et protégeaient les politiques de Macron bien que néolibérales et climaticides. 

Le plus ironique étant que les discours d’extrême-droite -y compris au sein de la macronie-, luttaient contre l’immigration. Mais les idées fascistes n’ont en rien anticipé les plus grosses vagues de réfugiés climatiques de l’histoire qui ont vu débarquer des millions de personnes dans les années 2030-2040.

L’ultime alerte fut sonnée en novembre 2022 au président tout juste réélu. Un mouvement populaire hors norme s’est dressé face à lui suite à une énième augmentation des prix du gaz et de l’électricité. Le mouvement climat avait déjà accéléré ses mobilisations suite aux résultats des élections présidentielles, qui avaient accentué le phénomène d’éco-anxiété. Les classes populaires, elles, ont décidé de revêtir les gilets jaunes. Un appel de co-mobilisation entre gilets jaunes et mouvement climat fera naître un nouveau mouvement hybride. Sur fond de demande de justice climatique, démocratique et sociale, se mêlent des actions spontanées de révolte et des actions préparées de désobéissance civile avec pour but de bloquer l’économie du pays. 

Le président Macron s’est montré plus hostile et méprisant que jamais. Il disait ne pas comprendre, il disait agir déjà pour le climat et pousser les autres pays à faire les même efforts que la France. Il fut le dernier français à croire en son storytelling de président de l’écologie. La pression devenue trop grande, il décida d’employer une politique fortement autoritaire. Ce n’était finalement qu’une suite logique de la tournure autoritaire qu’avait pris le pays après la crise des Gilets Jaunes puis du Covid-19. Les manifestants ont subi en 2022 et 2023 une répression inouïe, il devenait dangereux d’accuser le président d’inaction climatique dans l’espace public. Plusieurs figures du mouvement de révolte furent envoyées en prison, alors que les mouvements politiques d’opposition ont été censurés, accusés de propager des discours de haine à l’encontre du gouvernement. Les médias, eux, condamnèrent les violences des manifestants, les mêmes pourtant victimes de centaines d’éborgnements et de dizaines de morts lors d’affrontements avec la police, dont les moyens armés étaient de plus en plus généreux. 

Vue de l’étranger, le tournant autoritaire de Macron commençait à faire scandale, y compris venant des régimes autoritaires de Poutine en Russie ou d’Erdogan en Turquie. Cela marqua le début d’une crise diplomatique au sein de l’Union Européenne, déjà fragilisée par le conflit économique mené face à Poutine. L’Allemagne, soutenue par les pays socialistes espagnol et portuguais, critiquait le régime de Macron et alertait du danger démocratique de ses méthodes répressives. Ces tensions finiront par faire plonger la France dans une crise économique, encore et toujours payée par les classes les plus pauvres. 

L’Histoire est là pour nous empêcher de reproduire les erreurs du passé, même si les sociétés humaines modernes trouvent toujours un moyen inédit de faire du mal, parce qu’elles persistent dans ses logiques de domination. Cette crise écologique a au moins le mérite de questionner notre rapport global à la société, dans nos relations sociales internes et externes (avec la nature). Nous reconnaissons aujourd’hui enfin la nécessité d’un système basé sur la solidarité, le soin apporté aux autres et à la nature, le refus de la compétition et la volonté de la coopération. Nous tentons de réparer et d’apprendre des erreurs des générations précédentes. Après cette terrible expérience, l’humanité ne peut plus accepter un système basé sur la domination d’autrui et la destruction de notre habitat commun. Nous en subissons suffisamment les conséquences.

© B. R.