Black Mirror Saison 7 Episode 1 : 

Le retour de Black Mirror, cette série que l’on savoure derrière nos écrans en s’inquiétant d’un futur sombre et de la dangerosité d’avancées technologiques sournoises, a surtout le mérite de nous inciter à nous questionner, à prendre du recul sur nos modes de vie, et surtout sur les règles qui régissent notre système et ses rapports de domination.

Souvent loué pour sa justesse d’anticipation, Black Mirror offre une critique sociale bien plus large que la seule crainte de l’arrivée de nouveaux outils technologiques. Si l’anticipation fonctionne, c’est avant tout grâce à sa compréhension d’un monde régi par la loi du marché néolibéral.

Dans l’épisode 1 de la saison 7 “Des gens ordinaires”, on pourrait nous arrêter au fait de craindre que la technologie parvienne à prendre le contrôle de nos corps, nos émotions, et à nous utiliser toujours plus concrètement comme une masse destinée à consommer, aussi bien par la contrainte de survie que par le matraquage publicitaire.

Ce qui inquiète, ce n’est pas tant l’anticipation d’un futur réaliste, mais plutôt celle-ci comme métaphore de notre monde actuel.

Ce qui inquiète, ce n’est pas tant le progrès technologique, mais plutôt son usage et la mainmise de multinationales sur ces outils sciemment manipulés à des fins de contrôle et de soumission des masses.

Dans cet épisode, les difficultés financières du couple sont exactement les mêmes que celles des “gens ordinaires” de notre monde. Les coûts vertigineux de la clinique sont le fait de choix politiques refusant l’accès gratuit aux soins et de leur privatisation. Et l’intrusion dans nos vies privées à des fins de propositions publicitaires personnalisées est déjà notre réalité quotidienne (via nos smartphones). 

Enfin, la possibilité de réguler nos émotions à l’envie est déjà réelle, grâce à l’infinité de contenus constamment à disposition sur nos écrans. On regrette d’ailleurs que Black Mirror ne soit pas allé plus loin sur le sujet : lorsque l’héroïne de l’épisode a la possibilité d’augmenter digitalement les sensations de plaisir directement dans son cerveau, on aurait pû supposer que cet état d’extase extrême puisse devenir une addiction au vue de son intensité et de sa facilité d’accès, un équivalent aux drogues finalement. 

En effet, nous expérimentons déjà ces sensations. Avec une surstimulation de nos émotions, les réseaux sociaux créent en nous cette dépendance, perturbent notre sécrétion de dopamine et nous amènent à la saturation émotionnelle : en passant trop vite d’un contenu aléatoire à un autre, nous passons en quelques secondes d’une émotion à une autre, et devenons de plus en plus insensibles au monde réel qui nous entoure. 

En somme, dans notre monde comme dans celui de Black Mirror, ce n’est pas la haine de la technologie en général qui doit prédominer, mais plutôt celle d’un système et de décisions politiques qui donnent une totale liberté aux multinationales. Celles-ci ne cesseront d’agir dans le sens de leurs intérêts financiers au détriment de la santé physique et mentale des utilisateurs, et ce quelques soient les outils à leur disposition. Seul un changement de paradigme et la possibilité d’un contrôle citoyen et politique sur l’usage technologique constitue une alternative positive aux mondes dystopiques de Black Mirror.

Benjamin Remtoula