Le premier mars 2024, la justice française a rendu son verdict : l’ex-président Emmanuel Macron et l’ex-première ministre Elisabeth Borne ainsi que ses 17 ministres ont été condamné.es à payer à hauteur de 95% de leur patrimoine d’amendes au nouvel Etat français populaire et souverain ; pour crimes contre l’humanité avec détentions et maltraitances arbitraires de manifestant.es, aggravation et complicité dans la destruction du vivant et des conditions minimales d’existence de sa population. Iels devront purger une peine de 10 ans de travaux d’intérêt général notamment en agroécologie paysanne et dans la rénovation des passoires thermiques, mais encore suivre des formations intensives sur les droits humains et les sciences sociales de l’environnement. Projection fictive d’une révolution imminente.
Culpabilité aux privilégiés
Suite au verdict scellant l’avenir des gouvernant.es français dans l’apprentissage du devoir civique, des sanctions similaires sont attendues pour tous les député.es ayant voté à fréquence soutenue des lois aux conséquences climaticides connues, discriminantes et de creusement des inégalités sociales, mais aussi pour tous les patrons de grandes entreprises, diffuseurs médiatiques et politiques ayant mené ou défendu la mise en place concrète de projets destructeurs, discriminants et néfastes pour l’humanité. En somme, tous les responsables des crises sociales et climatiques sont visés par la justice au regard de l’urgence et du devoir d’exemplarité dans la création d’un avenir désirable.
La juge a déclaré que ces sanctions ne sont pas des punitions de nature à nous “venger” sur des individus et qu’elles sont en réalité des faveurs faites aux condamné.es, qui auront l’opportunité de se sentir socialement utiles et de recevoir des formations enrichissantes payées par l’Etat. Surtout, ces décisions posent les bases du nouveau monde : la fin des privilèges et l’importance de l’éducation (mais aussi de l’information indépendante) en tant que préalable aux prises de décisions justes, solidaires et écologiques ; ou encore la mise en place d’un système non plus punitif et carcéral mais pédagogique, revalorisant et réhumanisant.
Tragédie macronienne
Alors que le projet de réforme des retraites a été le déclencheur de la révolte de 2023, les revendications ont rapidement assimilé les préoccupations sociales et populaires. Au vu de la banalisation de la pauvreté et de la misère face à la flambée des prix, le peuple ne s’est pas contenté de se mobiliser contre le seul recul du départ à la retraite. La volonté profonde et colérique du peuple était de renverser Macron et son monde. Pour beaucoup, l’angoisse de ne plus pouvoir ni se nourrir ni se soigner a rendu la révolution inéluctable. Il n’y avait plus rien à perdre : l’énergie du désespoir comme seul échappatoire.
Certains intellectuels questionnent aujourd’hui la pertinence des agissements de Macron, si tant est que son objectif était réellement de maintenir les intérêts bourgeois au pouvoir à long terme. En effet, toucher aux retraites des Français dans un contexte hivernal d’inflation accentuée d’une crise énergétique sans précédent, relève du suicide politique. Tous les prémices révolutionnaires étaient présents : creusement des inégalités, mépris du peuple par la classe dominante, systèmes politiques et économiques qui s’écroulent et n’inspirent plus confiance (visible par la montée de l’abstention), mouvements sociaux qui s’intensifient et mobilisent les classes populaires (Gilets jaunes), Etat qui défend son projet contre l’avis populaire et abuse de son pouvoir, son autoritarisme et ses forces répressives,… D’autant que les boucliers circonstanciels ne permettent plus de jouer sur l’apathie et la peur des Français, bien utiles à l’heure de protéger le gouvernement lors de la crise du Covid-19 puis au début de la guerre en Ukraine. Des analystes proposent plusieurs théories, potentiellement complémentaires, pouvant expliquer la recherche permanente de conflit du président Macron. Nous vous en listons trois.
Le biais d’improbabilité
Aussi paradoxal que cela puisse paraître, l’être humain est confronté à un biais particulièrement désavantageux pour sa survie : plus il en sait sur une menace, un danger qui le guette, moins il aurait d’appréhension quant à sa potentielle réalisation. Si cela participe aux explications de l’inaction climatique, ce biais semble avoir touché également le dénommé Jupiter. S’est-il senti intouchable grâce au système, à l’empire médiatique et aux forces de l’ordre ; au point de s’imaginer s’être définitivement débarrassé des Gilets jaunes ?
La politique de l’autruche est certes confortable, mais elle n’élimine pas la colère populaire et la souffrance sociale, aussi tacites soient-elles. Sincère dans son mépris, Macron pensait la révolte dû à la propagande d’extrême gauche et l’incapacité du peuple à comprendre les enjeux économiques. Dans ce cas, on se demande encore pourquoi le gouvernement a placé autant d’énergie dans la dissimulation de chiffres et dans le refus de soumettre au référendum sa soi-disant démonstration implacable des bienfaits de sa réforme. Pourtant, même les milliardaires les plus influents ont récemment reconnu avoir tenté de dissuader E. Macron dans son obstinante casse sociale : “il voulait trop bien faire pour servir nos intérêts” a déclaré anonymement l’un d’entre eux.
Le goût du risque
Lié au premier biais, celui-ci s’apparente moins à de l’inconscience qu’un désir profond. Plusieurs fois surpris à vouloir démontrer une forte virilité, Macron, influencé par le récit masculiniste, aurait constamment besoin de révéler sa nature de mâle dominant : peur de rien, prêt au combat (“s’ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ils viennent le chercher”), démonstration infantile de force (à qui est le plus fort entre Macron et Trump lors de leur poignée de main) et paternalisme colonial («depuis 1994, vous n’avez jamais été capables de restaurer la souveraineté ni militaire, ni sécuritaire, ni administrative de votre pays. C’est une réalité. Il ne faut pas chercher des coupables à l’extérieur» a déclaré E. Macron lors d’une conférence à Kinshasa – RDC).
Son charisme, Macron le doit à sa propension à écraser les autres, c’est-à-dire les non-bourgeois occidentaux, “ceux qui ne sont rien”. Besoin d’humilier autrui pour se sentir fort, c’est le cas typique du pervers narcissique et du mégalomane. Ainsi, quand le peuple se soulève, il prend plaisir à l’affronter, le défier (tout en prenant soin de se protéger). A défaut de risquer sa vie sur le ring, Macron aime jouer avec ses marionnettes députées et policières pour mieux piétiner son peuple. Les leaders autoritaires se complaisent dans la force et la virilité en prenant un risque fantasmé et délaissé, ou plutôt en risquant la vie de leurs soldats.
Héros de la fiction capitaliste
Comment donner du sens à une économie qui repose sur des mythes et des hérésies ? Quand les néolibéraux vous chantent qu’il n’existe pas de meilleur système, ils s’inventent simplement une fiction où la recherche de profits et la compétitivité compenseraient magiquement leurs propres dégâts. Ceux qui ont la chance de pouvoir y jouer, les riches, doivent simplement suivre les règles du jeu, sans chercher à comprendre s’il est pipé d’avance. Les plus discrets d’entre eux s’accommoderont du système, les plus mégalomanes chercheront le pouvoir pour devenir les loups de la jungle économique. Leur a-t-on prévenu que le jeu se terminait par une révolution ?
Au-delà d’une tendance narcissique, égocentrique, du biais de supériorité illusoire voire de la psychopathie, Macron s’est avant tout inséré dans un rôle. Sa stratégie n’a jamais été pensée pour résoudre des problèmes politiques, sociétaux ou environnementaux, mais pour sa victoire sociale, liée à son statut social et son opportunité d’écrire sa légende dans le plus grand des individualismes. Mais le peuple a fini par comprendre qu’il est lui-même capable d’écrire sa légende, celle-ci altruiste et collective. Macron s’est risqué à pousser le bouchon toujours un peu plus loin, pris par son goût du risque, sa volonté de vivre un scénario épique et son admiration pour sa bien-aimée classe bourgeoise. Savait-il que le néolibéralisme finirait de toute façon par s’écrouler et voulait-il en être son ultime cynique caricature ?
Le peuple obtient sa révolution
C’est ainsi que la révolte française a commencé à prendre des airs de révolution. Cela n’a pas été immédiat, mais la grève reconductible du 07 mars 2023 aura été un tournant décisif. D’abord, la pluralité des secteurs et organisations en lutte a révélé un réel consensus populaire anti-Macron. Contrairement au mouvement des Gilets jaunes où les syndicats n’avaient pas suivi et la gauche tardé à réagir, la forte impopularité de la réforme a entraîné une meilleure organisation et une meilleure symbiose des tactiques de lutte, allant des manifs classiques au blocage de l’économie en passant par la désobéissance civile et les actions de sabotage. Cela a également débouché sur la construction d’une sororité militante, par une convergence des luttes depuis longtemps demandée et regrettée.
Ensuite, les tactiques de répression policière et les déclarations lunaires des gouvernants dans les mois qui ont suivi, n’ont fait qu’augmenter la détermination des manifestant.es et des grévistes, conscients que le niveau du déni démocratique et de la liberté d’expression avait atteint des proportions extrêmement dangereuses. La grève reconductible initiée le 07 mars ainsi que l’obstination du gouvernement à ne pas reculer sur sa réforme, ont été les deux facteurs du point de non-retour dans le processus révolutionnaire. En effet, faiblir dans la lutte aurait donné les pleins pouvoirs aux macronistes, alors libres face à un peuple qui se tient sage de durcir ses politiques de contrôle et de prévenir toute étincelle rebelle. De même, reculer sur son projet aurait été un coup dur pour un pouvoir qui en plus d’avoir perdu toute légitimité, n’avait plus que son autorité pour se maintenir en place.
Après des mois de lutte et des pics d’intensité variables, la persévérance dans le blocage économique du pays aura certes coûté un épuisement physique et moral côté grévistes, mais finira par avoir raison d’un gouvernement constamment sur les nerfs et dépassé par les pertes économiques massives. La situation est devenue ingérable au creux de l’hiver 2023-2024, à tel point qu’une énième tentative de prise d’assaut de l’Elysée par des groupes radicaux révolutionnaires de plus en plus aguerris, provoquera la fuite du président et de ses ministres le 1er janvier 2024 aux Etats-Unis.
Orphelins comblés de dirigeants, les Français.es se retrouvent mêlés dans une béate confusion : on fait quoi maintenant ? Les velléités de prise de pouvoir donnent des signes de récupération opportuniste du pouvoir ; mais les forces socialistes et les mouvements sociaux, poussés par les revendications de souveraineté populaire, finissent par s’accorder sur la mise en place d’un système priorisant la souveraineté du peuple. Si les contours du nouveau régime restent à déterminer (faut-il instaurer la VIème République, réécrire la Constitution par et pour le peuple, abolir la démocratie “représentative” ?), les forces victorieuses de la révolution se sont entendues sur la nécessité de mettre en place les mesures les plus urgentes. Au-delà de généraliser l’accès aux soins et aux besoins de première nécessité à l’ensemble de la population, les leaders de la révolution ont saisi la justice pour condamner les premiers responsables de l’effondrement social et écologique, à commencer par nos dirigeants en fuite.
Trêve de fiction, cet article ne prétend pas à un réalisme parfait dans l’art de l’anticipation, mais plutôt à la satisfaction et au titillement de nos imaginaires optimistes, à la proposition d’idées pas si farfelues et suffisamment lucides pour motiver les troupes à croire en notre destin et nos capacités d’agir. C’est notre responsabilité, au nom du vivant, de nos enfants et de la défense de nos propres droits et libertés, de prendre les choses en main. La destruction du monde par les ultra-riches n’est pas une fatalité.